Le recul et la vitesse d'étalement

La technique de l'étalement du frottis sanguin s'effectue en un geste simple, mais qui demande de la dextérité et une bonne compréhension des différentes phases du mouvement, car de nombreuses erreurs peuvent survenir à partir de variations minuscules. Pour ceux qui ne confectionnent pas de frottis sanguins, visualiser rapidement la technique devrait aider à mieux comprendre cet article, je vous suggère donc de regarder cette courte vidéo du Dr Sylvain Larrat: 

 Pour résumer rapidement: on dépose une goutte de sang sur la lame. Une seconde lame, la lame d'étalement, est tenue en contact avec la lame, et reculée jusqu'à toucher la goutte. La goutte s'étire par capillarité à la jonction entre les deux. On avance ensuite la lame d'étalement, ce qui tire le sang le long de son trajet.

Chacune de ces phases vient avec des erreurs potentielles. On verra aujourd'hui quelques artefacts provenant de la vitesse de recul et d'avance. 

Les frottis A, B et C montrent une vitesse de recul variable, mais dans des limites acceptables. Le plus le recul est lent, le plus la goutte de sang s'étire uniformément sur la largeur de la lame, et le plus carré le frottis sera. 

Le frottis A est le plus facile à lire, avec une zone de lecture droite. Une fois repéré, on n'a qu'à se déplacer sur la largeur de la lame pour le suivre. Il a cependant quelques défauts: En donnant un frottis très large, il est plus probable de perdre une des marges en touchant le côté de la lame; et le temps d'étalement prolongé permet des mouvements des fluides qui favorisent la séparation des éléments, donc une distribution moins uniforme des cellules.

Le frottis B est idéal: sa zone de lecture n'est pas droite, mais elle est suffisamment régulière pour se suivre facilement, et le risque d'artefact dû à la vitesse est minimisé.

Le frottis C, en "langue de chat", est acceptable, mais la zone de lecture en forme de fer à cheval est plus difficile à suivre, et des erreurs sur la différentielle sont possibles si une partie de la lecture est faite hors de la zone optimale. Si le frottis n'a pas la largeur complète de la lame d'étalement, alors la vitesse de recul était franchement trop élevée et il faut corriger la technique.

Le frottis D, quant à lui, montre une vitesse de recul franchement trop lente: la frange se décore d'une bande de leucocytes visible à l'oeil nu. Ce sont principalement des neutrophiles, ce qui les retire de la zone de lecture et fausse la différentielle. Il faut noter que par un phénomène parfaitement naturel, les gros éléments* ont tendance à être repoussés vers la frange et les marges même sur les meilleurs frottis, c'est lorsque le recul est exagéré qu'ils y sont concentrés au point de nuire à la lecture.

*: Gros éléments: Amas de plaquettesParasitesCellules jeunes...

E provient d'un échantillon franchement anémique. Un sang pauvre en hémoglobine est difficile à étaler, il n'a pas la viscosité normale et sa couleur est trop faible pour que son aspect visuel soit un bon indicateur d'un étalement réussi. Si on fait le même mouvement que pour un échantillon normal, on se retrouve avec un frottis beaucoup trop long. On peut contrôler la longueur du frottis par la grosseur de la goutte, la vitesse d'avance, et l'angle de la lame d'étalement.

Si on tente de raccourcir le frottis en lui fournissant moins de sang, on se retrouve avec les propriétés d'un frottis trop long, en miniature. On voit que les cellules ne sont pas homogènes, elles sont concentrées dans la zone mince. Dans cette zone, la tension superficielle les étire, et leur morphologie est déformée. Puisque la forme des globules rouges peut fournir des informations importantes sur la cause d'une anémie, ce n'est pas une situation qu'on souhaite rencontrer!

Pour éviter un allongement exagéré d'un sang pauvre, on jouera plutôt sur la capillarité, en augmentant l'angle de la lame d'étalement et en diminuant la vitesse d'avance. 

 Le dernier frottis, F, peut survenir avec une vitesse de recul trop lente, ou encore une lame d'étalement sale ou un mauvais mouvement. Un frottis "chevelu" est un défaut commun. Une partie du sang s'est retrouvée devant la lame d'étalement, elle est poussée plutôt que la suivre par capillarité. Si ça n'affecte que quelques gouttelettes, on peut avoir une zone de lecture convenable, mais un frottis qui a cette allure aurait dû être rejeté et recommencé.

Les trois photos qui composent ce montage proviennent d'un frottis trop épais: la zone épaisse et la zone de lecture se distinguent seulement par l'étalement des leucocytes. On peut y faire une différentielle acceptable, mais la morphologie est érythrocytes est perdue. Si on tente de les distinguer en se déplaçant vers la zone mince, on n'obtient que les cellules étirées qu'on a décrites plus tôt.
 
Les trucs et conseils peuvent aider à apprendre la technique, mais ce n'est que la pratique qui permet de la maîtriser. Les étudiants et les nouveaux technologistes, donc, ne désespérez pas, vous allez en jeter plusieurs. L'important est de garder un oeil sur le résultat et de recommencer les frottis ratés pendant que le tube de sang est encore frais, tant pour développer votre technique que pour fournir un travail de qualité.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

La lignée érythrocytaire (sur frottis périphérique)

Les échinocytes

La cellule mésothéliale (vidéo)