Coloration histologique: Hématéine – Éosine (H&E)


 

Une coloration de routine permet d’apprécier la structure d’un tissu. Elle doit distinguer clairement les noyaux, le cytoplasme des cellules et les fibres, des points de repère importants et généralement suffisants, soit pour mieux situer les éléments mis en évidence par les colorations spéciales réalisées à partir du même spécimen, soit pour identifier des lésions affectant la morphologie du tissu.

Une coloration de routine combine un colorant nucléaire, qui colore les noyaux cellulaires, et un colorant de fond, qui produit une teinte variable selon la densité du tissu.

 

Hématéine et Éosine


La coloration H&E est la plus utilisée dans le monde: elle offre un excellent équilibre entre la lisibilité, le coût et la rapidité d’exécution.

Le colorant nucléaire est l’hématéine de Harris. Elle colore d’abord les noyaux en rouge, puis devient bleue après un virage dans une solution alcaline.

L’éosine colore différemment les éléments acidophiles selon leur densité. Ce seul colorant présente une palette de roses et de rouges qui, complétée par la coloration bleue des noyaux par l’hématéine, produit une image complète des éléments présents sur la coupe.

 

Galerie d'images:

Cette collection a été réalisée lors d'un stage en pathologie, à l'aide en majorité de spécimens d'autopsie. Elle ne couvre donc pas la totalité des organes, la préservation des structures n'est pas toujours idéale, et la majorité des spécimens sont normaux. Pour une présentation plus complète des structures histologiques du corps humain, je suggère une visite sur le site Webpath de l'Université de l'Utah, ou le Musée de Pathologie Virtuelle de l'Université de Singapour.

Voici l'apparence de différents tissus et organes avec cette coloration:


Thyroïde

Le premier élément qu'on remarque est la coloration vive des follicules thyroïdiens. Ceux-ci sont pleins de colloïde: principalement de la thyroglobuline. Les stries qu'on y voit sont un artefact créé lors de la coupe du tissu. Les follicules sont entourés par les cellules folliculaires, qui sécrètent la thyroglobuline, et les cellules parafolliculaires, qui sécrètent la calcitonine.

Cette image comprend aussi une coupe oblique d'un vaisseau sanguin, où on voit bien les tuniques de sa paroi et les globules rouges qui y sont piégés.


Glande surrénale

Les glandes surrénales sont divisées en leur cortex, c'est à dire la fraction la plus à l'extérieur, et la médulla, qui se situe au centre. Le tout est protégé par une capsule de collagène.

Le cortex transforme le cholestérol en hormones stéroïdiennes. L'arrangement des cellules varie de l'extérieur vers l'intérieur de cette couche et chacune correspond à une spécialisation:

  • Zone glomérulée (cellules en amas): minéralocorticoïdes (aldostérone)
  • Zone fasciculée (cellules en cordons): glucocorticoïdes (cortisone)
  • Zone réticulée (cellules isolées): androgènes, progestérone

La médulla, quant à elle, sécrète les catécholamines: l'adrénaline et hormones apparentées. Ses cellules sont vacuolées et semblent moins denses. La médulla est le tissu qui se décompose le plus vite du corps humain. Même sur une  biopsie fixée rapidement, une perte de qualité peut apparaître.

Colon sigmoïde

L’épithélium simple prismatique bordant la muqueuse forme une ligne bien nette, avec les noyaux rassemblés au pôle basal des cellules. Les mucines des cellules caliciformes ne sont pas colorées et laissent des trous blancs ou pâles dans l’épithélium. La structure fibreuse du tissu conjonctif lâche, et une couche de cellules musculaires lisses, s’observent toutes deux en rose. Les vaisseaux sanguins contiennent des globules rouges vivement colorés. La sous-muqueuse contient du tissu lymphoïde riche en cellules dont les noyaux denses forment des plages foncées bien nettes.

Prenez-note de l'aspect déchiqueté d'une petite section de l'épithélium: il est probable qu'elle ait été érodée pendant la manipulation en laboratoire, on prendra donc soin de ne pas toucher les éléments délicats des tissus lors de la préparation des biopsies.

 

Saphène

La saphène est une veine de la jambe qui peut être retirée pour deux raisons: une varice à risque de complications, ou l'utilisation d'un tronçon de veine pour pratiquer un pontage.

L'endothélium est une couche de cellules tapissant l'intérieur des vaisseaux sanguins. Il forme une ligne foncée au bas de cette image.

Juste au-dessus, on voit les fibres élastiques qui empêchent le vaisseau de se dilater sous la pression du sang.

Ensuite vient une couche de muscles lisses qui peuvent dilater ou contracter la veine pour réguler la pression sanguine.

Finalement l'adventice est une couche souvent épaisse de tissu conjonctif qui ancrent la veine aux tissus environnants.

 
 Rate
 
La rate est un organe lymphoïde très riche en cellules. Comme les autres organes hématopoïétiques, son stroma est fait de réticuline plutôt que de collagène, bien qu'on voie bien de ce dernier autour de ses nombreux vaisseaux sanguins.
Sa microcirculation est assurée par des sinus veineux plutôt que des capillaires, pour un contact maximal entre le sang et les macrophages spécialisés qui le nettoient de ses cellules usées et de ses contaminants.
La pulpe blanche est très foncée sur ces images: il s'agit de follicules où les lymphocytes prolifèrent. Les lymphocytes étant de petites cellules à gros noyau dense, ils sont fortement colorés par l'hématéine. 
La rate est un tissu très rigide et difficile à couper au microtome, il n'est pas rare de devoir se contenter d'une coupe comprenant des fissures ou des plis.
 

Poumon

Les poumons ont une apparence spongieuse, avec les nombreux trous là où la coupe traverse un sac alvéolaire. Les vaisseaux sanguins y sont nombreux.

Les alvéoles sont bordées d'un épithélium pavimenteux simple, la forme de membrane la plus mince possible pour maximiser sa perméabilité aux gaz. On y trouve trois type de cellules:

  • Pneumocytes I: la majorité des cellules; assurent les échanges gazeux.
  • Pneumocytes II: sécrètent le surfactant qui empêche les parois des alvéoles de coller ensemble.
  • Macrophage/cellule à poussière: retirent les microbes et les contaminants des poumons.

Le stroma des alvéoles est très discret et fait de fibres élastiques. Il n'est pas aisément visible sans coloration spéciale.

Œsophage

La muqueuse est épaisse, faite d'un épithélium stratifié pavimenteux, dotée d'une muscularis mucosa en faisceaux, et sécrétant du mucus. Il s'agit donc d'une protection robuste, faite pour subir les températures, produits chimiques et textures parfois agressantes des aliments.

La sous-muqueuse apparaît plus pâle, elle est faite de tissu conjonctif, et c'est là que passent les nerfs, vaisseaux sanguins et tissu lymphoïde.

La musculaire comprend plusieurs couches de muscle. Sur le tiers supérieur de l'œsophage, il s'agit de muscles striés, au mouvement volontaire.

Sa couche extérieure est une adventice, c'est à dire que l'œsophage est fixé aux tissus l'environnant.

Graisse

Les adipocytes contiennent une grosse vacuole pleine de triglycérides qui occupe la quasi totalité de la cellule, ne laissant qu'une mince marge de cytoplasme et un noyau repoussé contre la membrane. Les lipides sont éliminés par les solvants lors de la circulation de la biopsie, laissant cet espace blanc. Un noyau est visible ici et là, mais la cellule étant très grosse, il se trouve souvent au-delà de l'épaisseur de la coupe. Le tissu adipeux a donc une apparence de bulles de savon.

 

Foie

Cette image est à trop fort grossissement pour montrer l'architecture des lobules hépatiques (on les verra avec les colorations spécialisées) mais détaille plutôt les détails cellulaires. On voit bien la forme angulaire des hépatocytes avec leur cytoplasme abondant et dense, et des pigments biliaires verdâtres.

Certaines cellules montrent des modifications bénignes: margination de la chromatine et polyploïdie (noyaux multiples). Il est possible qu'une infection virale ait été en cours au moment du prélèvement. Aucun des changements associés à une maladie hépatique grave n'est cependant présent.

Cordon ombilical, coupe en congélation (extemporanée)

Une coupe en congélation est effectuée pour un examen accéléré d'une biopsie. Puisque la circulation ordinaire prend plusieurs heures, le résultat ne peut pas être produit la journée même. Dans certains cas, ce n'est pas un délai acceptable: lorsque l'analyse influence le déroulement d'une opération ou que le résultat mènera à une décision médicale urgente.

La coupe en congélation est très rapide, mais le tissu est plus endommagé, il est friable à la coupe, les morphologies sont plus déformées et les colorations peuvent être moins nettes.

Ce spécimen provient d'un cordon ombilical normal. En clinique, la biopsie servirait surtout à observer la présence des deux artères et de la veine ombilicale lorsqu'un défaut de l'approvisionnement sanguin est soupçonné et un moindre grossissement serait préférable à cette fin. Le plus fort grossissement a été choisi pour montrer la structure du tissu mésenchymateux pour fins éducatives. 

Le tissu mésenchymateux est un tissu conjonctif lâche composé de fibres de collagène et d'acide hyaluronique, entretenus par des fibroblastes. Il est peu cellulaire et peu dense.


Estomac

La muqueuse de l'estomac est très plissée et forme ces feuillets nommés les cryptes. Elle ne possède pas de chorion (couche de tissu conjonctif) mais une couche de glandes.

Les glandes en feuillets sont composées de cellules caliciformes sécrétant du mucus. Ces cellules sont grosses et remplies d'une grosse gouttelette blanche.

La couche des glandes comprend les cellules pariétales (ou bordantes) qui sécrètent l'acide chlorhydrique, les cellules principales qui sécrètent le pepsinogène, et des endocrinocytes qui assurent la régulation hormonale de la digestion.

La musculaire n'est pas incluse dans cette image, mais elle est très épaisse et composée de trois couches de muscles: longitudinale (externe), circulaire (moyenne) et oblique (interne).

 Duodénum
 
 L'épithélium est simple et prismatique, c'est à dire qu'il n'est constitué que d'une couche de cellules elles-mêmes assez allongées. Leur apex (sommet) est bordé de microvillosités qui augmente leur surface de contact avec le contenu digestif. Les cellules caliciformes (à mucus) sont abondantes. La muscularis mucosa est peu visible.
Le trait le plus remarquable du duodénum est ses nombreuses glandes de Brüner, qui ont la forme de marguerites dans et sous la muqueuse. Elles sécrètent un mucus riche en bicarbonate afin de neutraliser l'acide provenant de l'estomac.
Sa tunique externe est une séreuse, faite de cellules mésothéliales, sauf au niveau du mésentère, où elle est liée par une adventice.

 

Cœur

 Les cellules musculaires du cœur sont ces cellules striées comme celles des muscles squelettiques, mais au lieu d'avoir la longueur du muscle, elles sont ramifiées et se connectent les une aux autres par leurs extrémités. Ces connexions se nomment le disque intercalaire, on le voit sous la forme d'un trait perpendiculaire aux fibres musculaires. En plus d'attacher solidement les cellules ensemble, il laisse passer les charges ioniques qui contrôlent le rythme cardiaque.

 

Cervelet
 
 La substance grise du cervelet est structurée en plusieurs couches. La couche moléculaire est pâle et contient peu de neurones, tandis que la couche granulaire en contient beaucoup. Leur démarcation est nette et bordée de grosses cellules de Purkinje.
 

Cerveau

Les cellules les plus grosses sur cette image sont les corps cellulaires des neurones. Les plus petites sont des cellules gliales.

La matière grise est plus épaisse que dans le cervelet et la transition entre les couches granulaire et moléculaire n'est pas aussi nette. On n'y trouve pas de cellules de Purkinje.
 

Tumeur cervicale

L’épithélium stratifié pavimenteux ne borde pas la muqueuse comme il l’aurait dû, mais envahit le tissu sous-jacent. Les cellules malignes ont conservé certaines de leurs propriétés, on observe donc une structure stratifiée concentrique où les cellules finissent par se kératiniser et former ces amas rosés denses. La perte de la morphologie spécifique au tissu s'appelle l'anaplasie et indiquerait un cancer de haut grade, au pronostic plus sombre. Les infiltrations malignes sont bordées d’abondantes petites cellules au noyau foncé : des lymphocytes. Leur présence indique une réaction inflammatoire.


Embolie d'une artère rénale

De nombreux tubules rénaux et un glomérule peuvent être observés, mais on remarquera surtout l’artère obstruée et les dommages ischémiques l’entourant. L’embolie provient d’une plaque d’athérome et contient de grands cristaux incolores de cholestérol. Le tissu rénal est engorgé de sang, et dans la zone privée d’oxygène, les cellules mortes, dont la forme est encore reconnaissable, montrent des signes d’autolyse; elles sont pâles et leur noyau n’est plus visible.

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