La sphérocytose
Le globule rouge, on le sait, a une forme de disque légèrement concave, qui lui permet d'optimiser sa surface de contact avec le plasma sanguin et par conséquent accélérer ses échanges gazeux. Cette forme est maintenue par des filaments protéiques très élastiques, la spectrine, qui permettent aussi à la cellule de se déformer pour passer dans les petits vaisseaux sanguins.
Un sphérocyte est un globule rouge qui a perdu, ou n'a jamais eu, cette forme biconcave. Il est peu déformable, et son volume est déjà au maximum de ce que peut contenir sa membrane. Il est donc très vulnérable à la lyse osmotique et aux autres agressions, et les macrophages de la rate l'éliminent rapidement pour éviter les effets nocifs de l'hémolyse intravasculaire. Son espérance de vie est donc sévèrement raccourcie.
Un sphérocyte a l'air plus petit qu'un globule rouge normal tant sur le frottis sanguin que selon la mesure du volume globulaire moyen (VGM) de l'analyseur. C'est que ce dernier extrapole le volume à partir du diamètre, un calcul qui prend pour acquis sur une forme normale. La concentration globulaire moyenne en hémoglobine (CGMH) peut être faussée vers le haut, donnant parfois des résultats supérieurs à la concentration maximale théorique (360g/L). Le sphérocyte n'étant pas biconcave, il ne présente pas de zone claire sur le frottis, et est plus foncé que les autres cellules.
Même en présence d'anomalies génétiques, les sphérocytes ne sont habituellement pas majoritaires.
Attention à quelques imposteurs: la partie mince du frottis contient des cellules mal étalées, dont la zone pâle est invisible, et les cellules en contact les unes aux autres peuvent se comprimer, ce qui efface aussi leur zone pâle.
La sphérocytose peut apparaître par différents mécanismes:
L'attaque par le système du complément
La fixation d'anticorps sur la membrane du globule rouge déclenche la cascade du complément, dont le produit final, le complexe d'attaque membranaire, perfore la cellule ciblée. La cellule se gonfle avant de succomber. Elle peut se désagréger avant d'être capturée par un macrophage, libérant l'hémoglobine dans le plasma sanguin. Si ce processus se produit massivement, l'hémolyse intravasculaire a des effets toxiques sur l'organisme.
L'insuffisance de la pompe à sodium
Les cellules sont riches en substances solubles et auraient donc une tonicité élevée si elles n'étaient pas pauvres en sodium pour la contrebalancer. Mais le sodium présent en abondance dans le plasma a tendance à les pénétrer, alors la cellule doit constamment l'éjecter pour ne pas subir un stress osmotique fatal. Pour cela, la pompe à sodium rejette cet électrolyte en continu, à grand coût d'énergie.
En situation normale, c'est par le ralentissement de la pompe à sodium que l'organisme reconnaît les vieux globules rouges et choisit le moment de les recycler: en traversant les espaces pauvres en oxygène de la rate, les érythrocytes chez qui la production d'ATP est devenue trop difficile se transforment en sphérocytes, que les macrophages détruisent.
Divers déficits affectant le métabolisme énergétique peuvent causer une sphérocytose qui affecte aussi les globules rouges jeunes, causant une destruction prématurée dans la rate.
Photo: Double population post-transfusionnelle avec quelques sphérocytes. Les cellules du donneur, ayant vieilli durant leur conservation, ont un métabolisme moins efficace.
La sphérocytose héréditaire
Finalement, la spectrine ou l'une des protéines qui la fixent à la membrane peuvent être anormales. De nombreuses mutations peuvent affecter la fonction de la spectrine, donnant lieu à des syndromes de gravité très variable. Certains causent une anémie hémolytique affectant sévèrement la qualité de vie du patient, tandis que d'autres sont découverts lors d'examens de routine. Entre les deux, certains cas provoquent une hémolyse symptomatique qui peut être grandement améliorée par la splénectomie: en effet, ces sphérocytes sont souvent fonctionnels, mais détruits prématurément par la rate. Lorsque cette situation est identifiée, retirer la rate améliore radicalement la survie érythrocytaire.
Dans certains cas, les cellules présentent des formes bizarroïdes. La cellule est petite, foncée et dense comme les autres sphérocytes, mais présente des excroissances. La forme typique de ce phénomène est la cellule "en champignon". La présence de telles formes confirme qu'il s'agit d'une sphérocytose héréditaire et non acquise.
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