Tube jaune et anticoagulant
L'infirmière n'a pas réussi à prélever tous les tubes nécessaires, le patient est difficile à piquer, a de petites veines fuyantes, une attitude impatiente, et pour ne rien arranger, l'infirmière vient de se faire reprocher le nombre de prélèvements à reprendre et ne veut pas que ça se sache... Mais le tube lavande est bien rempli, et on sait que le labo l'accepte à moitié plein... et voilà, on verse la moitié du sang du tube lavande dans le tube jaune et personne n'en saura rien!
Si tout un panel est demandé, le laboratoire s'en rendra inévitablement compte: l'EDTA du tube lavande est incompatible avec un grand nombre d'analyses de biochimie et des résultats impossibles surviennent.
Mais si peu d'analyses sont demandées, il se peut qu'aucune ne soit biaisée de manière assez dramatique pour que l'erreur soit évidente. Quelques indices de plus peuvent nous aider à repérer les tubes altérés:
Poudre au fond du tube: L'activateur de caillot, de la poudre de silice qu'on observe sous la forme d'une poussière fine sur les paroi du tube jaune, est normalement piégé dans le caillot et devient invisible une fois le prélèvement fait. Si le sang est anticoagulé, la poudre de silice demeure libre et tombe au fond du tube lors de la centrifugation. Ces deux tubes proviennent du même patient, l'un contaminé à l'EDTA et l'autre non. Il est important de savoir qu'un prélèvement pris après un bolus d'héparine montrera ce même dépôt blanc, on ne rejette donc pas automatiquement le tube sur ce seul critère.
Deux tubes du même prélèvement:
Sérum légèrement trouble: Semblable à une légère lipémie, mais présente seulement dans un tube jaune, tandis que les autres tubes prélevés en même temps sont limpides.
Quantité faible de sang: Puisqu'un tube a été divisé pour remplacer un échantillon manquant, il est probable qu'il soit minimalement rempli.
Résultats aberrants: La mesure absolument insensée du calcium est la manière dont on reconnaît définitivement un tube transvasé.
Lorsqu'on soupçonne un tube d'être contaminé à l'EDTA, on peut faire deux choses pour le confirmer (évidemment, priorisez la procédure de votre hôpital s'il en a une!)
- Doser le calcium: il sera indétectable; le potassium et le magnésium auront aussi des résultats impossibles.
- Téléphoner au service où le prélèvement a été fait; malheureusement il est possible que le préleveur, craignant d'être réprimandé, n'admette pas son erreur.
Qu'arrive-t-il si on valide les résultats d'analyses d'un tube transvidé?
Si certains faux résultats sont immédiatement suspects, d'autres sont plus subtils!
Le fer et le zinc seront aussi abaissés, mais un taux de fer très bas n'est pas une valeur impossible, on peut donc mener à un mauvais diagnostic de la cause d'une anémie. Le zinc est aussi un minéral dont on pourrait faussement suspecter une carence profonde, mais puisque son dosage est rarement demandé, on peut ne jamais rencontrer cette situation.
L'EDTA capture aussi les minéraux des réactifs, une fois qu'ils sont mélangés au sérum. La phosphatase alcaline utilise le magnésium comme cofacteur, le résultat de ce dosage sera donc aussi abaissé. La phosphatase alcaline peut être très basse lorsque la fonction hépatique du patient est normale, et s'élève en cas de maladie du foie. Un résultat faussement bas, donc "normal", peut mener à écarter le diagnostic correct du patient et faire perdre du temps en investigations supplémentaires.
Même les valeurs impossibles peuvent être dangereuses! Aucune personne vivante ne pourrait avoir de tels taux de potassium, calcium et magnésium? Le médecin le sait, mais en situation d'urgence, les infirmières ont des algorithmes de soins leur permettant de réagir vite sans attendre l'avis du médecin entre chaque étape. L'infirmière se souvient-elle bien de sa théorie, ou donnera-t-elle un traitement inapproprié?
Quant au reste, la plupart des analytes ne sont pas approuvés pour essai sur tube à bouchon lavande. Même si le résultat peut être conforme, sans l'approbation préalable d'un biochimiste, on n'accepte pas de contenant non approuvé. Même une petite erreur sur un résultat donné peut avoir des conséquences. Quelle est la différence entre un résultat, disons de ALT (je prends un test arbitrairement pour cette mise en situation), de 134 UI/L et de 146 UI/L? Pas grand chose, sûrement! Mais si le résultat précédent était de 140 UI/L, l'un montre une tendance à la baisse et l'autre à la hausse. Le médecin avait-il besoin de surveiller la progression de ce marqueur pour voir si le traitement était efficace? Le laboratoire n'en sait rien, on ne peut donc jamais décider qu'une erreur n'est "pas grave".
Pour une liste des analyses dont l'interférence a été mesurée, ce document (en anglais) en suggère une en page 2.
Et les autres tubes?
Puisque les bilans de routine demandent souvent un tube lavande, celui-ci est plus souvent fréquemment impliqué que les autres, mais il n'est pas impossible qu'on rencontre un tube bleu transvasé, par exemple...
On pourrait penser que le dosage du calcium révélerait aussi cette erreur, après tout le citrate aussi capture le calcium! Mais non! Le lien ionique du citrate de sodium est plus faible que la chélation de l'EDTA, et le tampon de mesure des électrolytes est suffisamment acide pour le libérer. L'interférence n'est donc pas suffisante pour en tirer des conclusions. On n'a simplement pas de moyen disponibles de routine pour repérer avec certitude une contamination au citrate.
Que faire alors?
On n'a pas le choix de faire confiance au préleveur. C'est pourquoi il faut déclarer les transvasements de tubes que l'on repère et faire un suivi, de manière à ce que la formation manquante soit donnée au personnel et qu'il soit conscient des risques d'un tel geste.
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